Accompagner les carrières des chercheuses : recommandations pour l’égalité femmes hommes en sciences

Article News Tank – POGO, REC – Paris – mardi 19 juin 2018 – Actualité n° 122706

Sensibiliser les chercheuses à la gestion de carrière, proposer un système de « carrières conjointes » dans les établissements de recherche et faire évoluer les critères d’évaluation des chercheurs. Telles sont quelques-unes des recommandations émises par le rapport d’information sur les femmes et les sciences présenté à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, le 31/05/2018.

Il est rédigé par Céline Calvez (LREM) et Stéphane Viry (LR), députés à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ce rapport repose en partie sur une consultation citoyenne.

Les rapporteur-se-s ont « concentré leurs travaux sur les sciences dites « dures », montrant que les difficultés y étaient à la fois plus fortes et plus durablement installées », indique le rapport qui fait un état des lieux et propose des pistes d’action sous forme de recommandations.

Selon ce document, en 2013, 35 % des chercheurs dans la recherche publique sont des femmes, et ce chiffre descend à 20 % dans le secteur privé. Pourtant, les femmes ne sont pas absentes du monde de la recherche : elles représentent par exemple jusqu’à 60 % des effectifs de l’Institut Pasteur en 2016.
Mais le rapport fait état d’un « plafond de verre » auquel les femmes sont confrontées dans la recherche où elles ont beaucoup moins accès aux postes à responsabilités que les hommes. Ainsi, à l’Institut Pasteur et au CNRS en 2016, il y a moins de 30 % de femmes directrices de recherche. Même constat au niveau des nominations dans les académies, comme à l’Académie de médecine où seulement huit membres sont des femmes, sur 135, en 2017.

Les rapporteur-se-s préconisent également de mettre en place un travail de recherche sur les inégalités dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Accompagner les carrières scientifiques en s’inspirant du modèle suédois 1/3
  • Sensibiliser les chercheurs et les chercheuses en particulier à la gestion de carrière scientifique, en s’inspirant notamment des politiques de soutien actif mises en place par d’autre pays. La Suède propose par exemple des entretiens de carrières personnalisés. Il s’agit aussi de les accompagner à valoriser leurs recherches et de les encourager à davantage se présenter pour des demandes de primes ou de promotions.
  • Mettre en place un service de « carrières conjointes » pour accompagner le conjoint d’une personne recrutée par un établissement de recherche, selon le modèle suédois des « dual careers ». Dans ce système, l’établissement accompagne le conjoint dans sa recherche d’emploi. Cela pourrait être « un soutien non négligeable pour favoriser la mobilité et le recrutement de personnes extérieures à l’établissement », indique le rapport.
Faire évoluer les critères d’évaluation des chercheurs 2/3
  • Faire évoluer les critères de promotion dans la gestion des carrières scientifiques en évitant de se focaliser sur les publications scientifiques et prendre en compte également le mentorat et la sensibilisation aux sciences dans la reconnaissance d’une contribution aux sciences.
  • Concernant l’enseignement supérieur et la recherche, prévoir un dispositif correcteur pour éviter la discrimination, dans le cadre de l’évaluation préalable à une promotion ou une demande de prime, envers les femmes ayant eu des enfants au cours des quatre dernières années, en ajoutant la durée du congé maternité intervenu pendant la période.
Lancer un travail de recherche sur les inégalités 3/3
  • Lancer un travail de recherche pour disposer d’indicateurs des inégalités dans les organismes publics de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Moins de chercheuses que de chercheurs, surtout dans le privé

Le document indique les chercheuses sont seulement 35 % dans le secteur public et 20 % dans le secteur privé.


Les femmes dans la recherche en 2013

Recherche publique et privée Chercheurs (effectif total) Chercheuses  (effectif total) Taux de femmes dans la recherche
Recherche publique 105 000 36 645
35 %
Recherche privée 161 900 32 380
20 %

Note : « État de l’emploi scientifique », Rapport du ministère de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, septembre 2016, chapitre 3


Il montre également que pour les personnels de soutien à la recherche publique, les femmes étaient à parité avec les hommes (50 %), mais représentent 26,8 % dans la recherche privée (dont 59 % dans l’industrie pharmaceutique, 47 % dans l’industrie chimique et 17 % ou moins dans l’aéronautique, les équipements de communication ou l’automobile).

« Dans la recherche publique comme privée, la féminisation progresse lentement au fil du temps », ajoute le rapport.

En 2013, 418 800 personnes travaillent dans la R&D dont 251 400 en entreprise et 167 400 dans le secteur public.

L’accès aux postes à responsabilités encore compliqué pour les femmes

Selon le rapport, en 2016, les femmes « ne sont que 16 % à être présidentes d’université, contre 15 % en 2008 et 12 % en 2011 ».

L’accès aux responsabilités reste marqué par de forts déséquilibres : les laboratoires sont dirigés à plus de 80 % par des hommes, annoncent les rapporteurs.

Selon eux, « il semble que les femmes assument plus souvent des responsabilités administratives ou pédagogiques chronophages, mais peu visibles et peu valorisantes pour leur carrière, souvent sans bénéficier de primes pour charges administratives ».

« Les femmes sont très impliquées dans des tâches qui ne sont pas prises en compte dans leur déroulement de carrière »

Selon Rozenn Texier-Picard, maîtresse de conférences à l’ENS Rennes, « les femmes sont très impliquées dans des tâches qui ne sont pas prises en compte dans leur déroulement de carrière, comme par exemple la participation à de nombreux jurys. »

Au CNRS, 28,6 % des directeurs de recherche sont des femmes

Le rapport étudie les cas du CNRS et de l’Institut Pasteur, qui comptent en 2016 moins de 30 % de femmes directrices de recherche.

Fin 2016, l’établissement compte 36 935 agents dont 24 552 permanents. Les femmes représentent 38,1 % des chargés de recherche et 28,6 % des directeurs de recherche, selon le rapport de situation comparée 2016 rédigé par la mission pour la place des femmes du CNRS. Malgré la « démarche innovante » mise en place par le CNRS pour améliorer l’égalité professionnelle, ces initiatives « ne suffisent cependant pas à renverser complètement une tendance lourde », indique le rapport.

À l’Institut Pasteur, 28 % des directeurs de recherche sont des femmes

À l’Institut Pasteur, l’effectif salarié est « très majoritairement féminin (près de 60 %) ». Pourtant, « 45 % des scientifiques sont des femmes, seulement 28 % sont directrices de recherche et 31 % professeurs. On remarque par ailleurs, que l’ancienneté moyenne des femmes professeures est de 29,8 années contre seulement 21,5 années pour les hommes », selon les rapporteurs qui déclarent s’y être rendus le 15/03/2018.

La sous-représentation des femmes dans les académies de sciences françaises

Le rapport renvoie à un article du Monde du 06/12/2017, selon lequel :

• À l’académie de médecine, 8 membres sur 135 sont des femmes, soit 6%. Pour les correspondant-e-s, les femmes sont 26 sur 160. Le bureau est exclusivement masculin.

• À l’académie de sciences, 29 membres sur 255 sont des femmes. Le bureau compte un nombre égal d’hommes et de femmes, avec deux femmes secrétaires perpétuelles.

• À l’académie nationale de pharmacie, 50 membres sur 212 sont des femmes. Le bureau est composé de 4 femmes sur 7 membres.

Pourtant, la sous-représentation « n’est pas corrélée avec la féminisation croissante du corps médical » indique le rapport : elles représentent 44, 2% de l’ensemble des médecin-e-s en 2016.